RIDM – Carmine Street Guitars :
pour l’amour de NYC
Carmine Street Guitars
de Ron Mann



J’ai un lien sentimental très fort avec New York (que j’ai déjà évoqué ici), et je résiste rarement à une bonne dose de rock’n’roll. Inutile donc de vous dire à quel point Carmine Street Guitars semble fait pour moi. Après les poètes de l’avant-garde « post-Beat » (Poetry In Motion, 1982), la bande dessinée classique américaine (Comic Book Confidential, 1988) ou encore le cinéma de Robert Altman (Altman, 2014), le documentariste torontois Ron Mann se penche maintenant sur un mythique commerce de Greenwich Village, et surtout sur une certaine conception de l’art, de la ville et de la vie.
Depuis la fin des années 70, Rick Kelly fabrique patiemment ses guitares à la main. En 1990, il s’est installé dans son local actuel, au 42 Carmine St. Ses créations singulières sont façonnées à partir de bois new yorkais pur jus, récupéré sur les chantiers de démolition. Sous ses doigts, ces planches patinées, burinées par le temps et l’existence, se transforment en instruments magiques qui charrient autant l’amour de la musique que celui de la cité qui ne dort jamais. Chaque guitare signée Rick Kelly est un petit morceau d’histoire unique. Dans son échoppe à l’ancienne, le luthier reçoit la visite d’artistes célèbres ou moins célèbres, et c’est sa propre mère de 93 ans qui répond au téléphone ! L’arrière-boutique est le royaume de Cindy, l’apprentie, punkette americana peroxydée qui grave à la torche de superbes créations aériennes sur les manches. Le temps passe, passe, passe, et Rick est toujours là.
Ron Mann nous offre un regard certes nostalgique, mais pas défaitiste, sur un vrai passionné. Rick Kelly est un monument toujours debout de ce New York de la contre-culture et de l’artisanat qui n’existerait déjà plus. Quartier chantre de l’avant-garde des années 60, Greenwich Village est gentrifié depuis bien longtemps, comme la quasi-totalité de l’île de Manhattan. Le 42 Carmine St. est sans cesse menacé d’achat et de revente, et ce n’est que grâce à un vieux propriétaire conciliant que les guitares sont encore là. Calme et débonnaire, Rick Kelly persiste et signe, mais sans agressivité, même face à des agents immobiliers yuppies. Le film est construit autour de la visite de ses amis, d’Eleanor Friedberger des Fiery Furnaces à Jaime Hince de The Kills en passant par Lenny Kaye, le guitariste de Patti Smith, et un craquant Jim Jarmusch à la chevelure argentée totalement figée dans le temps. Le rythme est indolent; le ton, parfois un peu maladroit entre dialogues « écrits » et captation pure. Mais au fil des confessions intimes de tous, le charme de Carmine Street Guitars opère. Et impossible de résister à Jimmy Webb, autrefois gérant du célèbre punk shop Trash and Vaudeville et aujourd’hui propriétaire de la boutique rock I Want More à Lower East Side (75A Orchard St.), venu en voisin partager un gâteau d’anniversaire en forme de guitare avec Rick et Cindy… I want to be a part of it, New York, New York !
Carmine Street Guitars sera projeté dans le cadre des RIDM le 16 novembre à 18h au Cinéma du Parc et le 17 novembre à 20h au Cinéma du musée.