God’s Own Country :
l’amour dans le pré
God’s Own Country



C’est un récit simple, pour un film simple. Un coup d’essai cinématographique qui ne révolutionne rien ni dans la forme ni dans le fond mais qui, par sa délicatesse autant que par son authenticité, émeut profondément. God’s Own Country est le premier long du Britannique Francis Lee. C’est une histoire d’amour ainsi que de renaissance, et aussi un hommage senti à l’éternel de la campagne et de la nature.
Johnny est un jeune fermier du Yorkshire. Depuis les problèmes de santé de son père, il s’occupe seul de l’exploitation familiale. Ses jours sont meublés de tâches répétitives et parfois pénibles; ses nuits, de binge-drinking au pub du coin. Il est rempli de colère et de mépris pour ceux qui ont quitté le patelin pour étudier à l’université alors que lui a dû se résigner à la « vraie vie ». Johnny s’abîme également dans des étreintes brutales et furtives avec des garçons de passage, sans jamais s’attacher, même pas en rêve… Jusqu’au jour où, pour aider avec les moutons, la famille engage un travailleur venu de Roumanie, Gheorghe. « You’re a Gypsy », « Please don’t call me that » : entre les deux jeunes hommes, le premier échange est violent. Puis ils s’isolent un temps dans les collines, s’épient, se touchent, s’émeuvent. Après cette parenthèse enchantée, le retour sera rude, mais les lendemains chanteront pour les amants.
Après Western de Valeska Grisebach et ses ouvriers allemands débarquant en conquérants dans la campagne bulgare, après Petit paysan d’Hubert Charuel et son élevage bovin en danger, voici un autre film qui entrechoque les deux Europes et expose les questionnements et les tourments de la jeunesse rurale. Dans God’s Own Country, les rapports de force sont complexes et surprenants : Gheorghe est fin et cultivé, il est aussi très doué avec les animaux et affiche des idées d’entreprise très modernes alors que Johnny agit comme une brute, bâcle copieusement son travail et n’a aucun esprit d’initiative. Si le premier est d’emblée superbement attachant, le second est résolument antipathique et il faudra attendre 40 minutes pour lui arracher un sourire… mais lorsqu’on y arrive, quel bonheur! À travers ses deux beaux personnages, le film témoigne de l’évolution des mentalités et de la vie rurale. Une évolution certes contemplative et parfois râpeuse comme l’accent du Yorkshire, mais bien réelle.
La démarche de Francis Lee est résolument romantique, voire même lyrique lorsqu’il s’attarde à filmer les paysages anglais chargés de brume. L’éléphant dans la pièce, c’est évidemment Brokeback Mountain d’Ang Lee : nous aurons même ici droit au coup du vêtement oublié de l’être aimé! Ce ne sera ni le seul poncif, ni le seul passage obligé du film. Sauf qu’en lieu et place du tragique déchirant, on nous gratifie d’une conclusion naturellement lumineuse, qui fait du bien. Dans ce récit d’apprivoisement, les regards et les gestes de désir font souvent office de discours, et l’amour est aussi celui de la terre, comme en témoigne ce titre fervent et ce générique sur fond d’images d’archive idylliques. Voici une histoire au déroulement classique et tout à fait universel, mais au charme pénétrant qui nous prend presque par surprise.