L’Amant double :
le grand sommeil
L’Amant Double
de François Ozon



Aie aie aie François Ozon… Le très prolifique réalisateur français a certes eu son grand moment au début des années 2000, alors qu’il faisait preuve d’une liberté de ton réjouissante, adaptait Rainer Werner Fassbinder et assumait résolument son côté queer et excentrique. Dix-sept longs-métrages plus tard, il fait maintenant partie des meubles et aligne les comédies, les drames, les films d’époque, les thrillers, les propositions farfelues… Il tourne beaucoup, beaucoup. Trop, peut-être? Nous voici face à L’Amant double, qui a eu les honneurs de la compétition officielle de Cannes (et on se demande bien pourquoi).
Le tout débute avec un gros plan de la pupille angoissée de Marine Vacht. La délicate actrice incarne Chloé, une jeune femme troublée souffrant de constantes douleurs au ventre. Poussée par le corps médical qui lui répète sans cesse que « le mal est dans sa tête », elle se décide à consulter un psychanalyste. Entre en scène Paul Meyer, qui a la blondeur glacée de Jérémie Rénier. Chloé, qui se jugeait vide, se sent rapidement exister dans le regard de son psy. Certains appelleraient cela le transfert, elle y voit plutôt de l’amour, et emménage avec Paul. Mais alors que celui-ci déclare passer toutes ses journées à l’hôpital, Chloé l’aperçoit déambuler dans les rues de Paris. Après recherche, elle tombe sur le bureau d’un autre psychanalyste, Louis Delord, à la blondeur identique, et pour cause : il est le jumeau secret de Paul. Les frères se haïssent. Chloé est bien décidée à savoir pourquoi… en devenant la maîtresse des deux en même temps.
En mode Hitchcock, François Ozon souhaite visiblement troubler son spectateur avec un récit tordu, morbide, voire pervers. Son film est un collage de références : l’arrivée dans le nouvel immeuble avec les voisins un peu trop intenses à la Locataire de Polanski, l’accouchement cauchemar à la Possession de Zulawski, le rêve gynécologique avec les instruments de torture à la Dead Ringers de Cronenberg… Visuellement aussi, on se tape des contre-plongées vertigineuses dans des escaliers en colimaçon, des fondus enchaînés entre un œil et un sexe féminin, puis entre une gorge et une cavité vaginale, sans compter les split-screens, surimpressions et empilement de miroirs pour bien figurer ce terrifiant « double » qui est pourtant déjà dans le titre. Le tout digne d’un giallo des années 70. Mais Ozon reste, au fond, un cinéaste à la papa. L’Amant double se prend beaucoup trop au sérieux pour prétendre à l’hommage décalé ou au délire créatif, et sa symbolique est lourde comme une tonne de briques. Il accumule gauchement la mystique de la gémellité, le rapport dominant/dominé et le fantasme horrifique du « jumeau parasite »; il accumule aussi les scènes de sexe bourgeois — à la cinquième, on dort déjà ferme. Au fond, le film fait très « franco-français » avec son actrice filiforme, ses crises de nerf chic et son machisme à peine déguisé. Freud, sort de ce corps! Quant aux comédiens… malgré toute l’affection que je porte à Jérémie Rénier et le glitch inquiétant cultivé dans le regard de Marine Vacht, ils dépassent rarement le stade de la neurasthénie. L’Amant double flirte avec le navet. Voilà, c’est dit.
Le nouveau film de François Ozon est présentement à l’affiche sur les écrans montréalais.