Cinemania — Petit paysan :
la vie & les vaches
Petit paysan
de Hubert Charuel



Notre deuxième arrêt au festival Cinemania sera définitivement rural. Petit paysan, le premier long-métrage du réalisateur français Hubert Charuel, est peut-être campé dans un univers peu « sexy » pour les gens à la mode. Il a tout de même réussi à enthousiasmer tout le monde depuis sa présentation à la Semaine de la critique de Cannes. L’introduction est saisissante : un jeune homme se réveille, puis boit son café dans une maison envahie par… les vaches. Stupeur. Finalement, ce n’était qu’un rêve, mais peu éloigné de la réalité de notre héros. Propriétaire d’une ferme laitière, Pierre veille jour et nuit sur son bien le plus précieux, ses bêtes. Elles sont au nombre de trente et répondent aux doux noms de Topaze, Cactus, Verdure ou Griotte… C’est une vocation qui tient du sacerdoce. Ignorant sa mère qui tente de faire l’entremetteuse auprès de la boulangère du village, Pierre préfère paranoïer sur la FHD, la fièvre hémorragique dorsale bovine, qui fait des ravages dans la Belgique toute proche. Lorsqu’une bête en est atteinte, il faut éliminer tout le troupeau par mesure de précaution. L’agriculteur perd alors tout son bien, instantanément. Lorsqu’une des vaches de Pierre se révèle réellement malade, il décide de l’abattre seul et de masquer le décès. Ainsi débute une spirale de dissimulations, illégales et dangereuses, ainsi que le délire personnel du personnage, qui voit son monde s’écrouler.
Petit paysan cache bien son jeu : si sa première partie est somme toute légère, le développement de son récit — et surtout son dénouement — sera tout autre. Ceux qui s’attendaient à une promenade bucolique sur le mode « nos belles fermes d’antan » en prendront pour leur rhume. La confrontation entre plusieurs visions de l’agriculture moderne est bien présente. Il y a celle qui contrôle la production laitière par application mobile, et celle qui s’inquiète d’abord et avant tout du bonheur des vaches… on vous laisse deviner de quel côté le film se situe. Mais Pierre n’est pas qu’un fermier romantique, même s’il est d’emblée fort attachant. C’est un personnage singulier, timide, rigide et buté. Il n’a pas le physique de l’emploi, ce « petit paysan » : il est jeune, gracile, et son obsession pour la fièvre bovine paraît d’abord quasi burlesque. Elle sera finalement tragique. La rupture de ton est surprenante et brutale, mais c’est pour le mieux. Voici un film simple mais poignant, qui brasse des thèmes fondamentaux : la peur de la ruine pour le fermier, avec ces indemnités qui n’arrivent jamais, mais surtout la peur de perdre ce qui nous fait vivre, respirer, ce qui nous construit. Petit paysan réussit à inventer un genre inédit, le thriller psychologique en mode « vache folle », rempli de souffrance contenue. Et nous propose aussi la découverte d’un acteur, Swann Arlaud, qui en plus d’avoir un prénom délicieusement proustien, fait preuve d’une présence admirable.
Petit paysan aura droit à deux projections au festival Cinemania : le mardi 7 novembre à 18h10 au cinéma Impérial, et le jeudi 9 novembre à 17h au cinéma du Parc.