FNC jour 11 :
vengeances
Hier était le dernier jour du FNC : grosse fatigue, grosse tristesse, et maintenant gros vide. Tout juste avant la fin, de gros morceaux m’attendaient dans les salles obscures. Tous deux tirés de la compétition de Cannes, ces films y avaient d’ailleurs suscité des réactions mitigées. Et comme nous risquons de les recevoir au compte-goutte au cours des prochains mois, cela fait toujours plaisir de pouvoir s’y frotter à l’avance.
In The Fade
de Fatih Akin



Premièrement, venu d’Allemagne, place au nouveau Fatih Akin. In The Fade a permis à Diane Kruger de remporter le Prix d’interprétation féminine à Cannes. Pour la première fois en vedette dans sa langue maternelle, l’actrice est assurément le joyau de ce film inégal, qui démarre tout en puissance pour devenir de plus en plus convenu. Kruger est Katja, rock’n’roll blonde mariée à Nuri, un ex-dealer d’origine turque maintenant bien réhabilité, qui trouvera la mort dans une explosion criminelle. La douleur du deuil est peut-être encore plus insupportable lorsqu’elle se couple aux reproches de l’entourage et aux soupçons d’attentats racistes. Dans In The Fade, le visage du mal est celui de deux jeunes occidentaux blancs aisés et bien portants, tristement acoquinés avec la grande famille de l’extrême-droite européenne. Ils demeureront cependant des archétypes. « Mon fils vénère Hitler » : dira simplement un père contrit. C’est tout, c’est peu, mais l’Allemagne n’a pas fini de régurgiter son passé. Quant au film, il peut facilement se diviser en trois parties (le deuil, le procès, la vengeance); et malheureusement, il perd du cachet à chaque étape. Au départ extrêmement nerveuse, la caméra suit Kruger dans toutes les crispations de son être, toutes ses secousses d’émotion. Akin n’hésite ni devant les effets formels expressifs, ni à un certain manichéisme. La cour, où Katja fait face à ceux qui lui ont tout volé, est un véritable système d’humiliations. La dérive du personnage vers l’autojustice est non seulement discutable sur le plan de la morale, mais aussi quelque peu grossière et vieux jeu. De la part d’Akin, j’aurai souhaité une œuvre plus surprenante, plus viscérale.
The Killing of a Sacred Deer
de Yorgos Lánthimos



Plus tard en soirée, le bouquet final du festival nous fut offert par Yorgos Lánthimos, le prodige grec sacré Louve d’or du FNC en 2009 avec Canine et qui poursuit maintenant une carrière internationale. Titre spectaculaire, casting qui l’est tout autant, Lánthimos saura-t-il réitérer la réussite de The Lobster, sixième position de mon top cinéma de 2016? Dans The Killing of a Sacred Deer, Steven le chirurgien cardiaque noue une relation trouble avec un adolescent qui se trouve à être le fils de l’un de ses anciens patients décédés. Rapidement, le jeune Martin s’infiltre tel un parasite sur son lieu de travail et dans sa famille. Il considère Steven responsable de la mort de son père et exige réparation de la plus horrible façon. Sans en révéler davantage, disons seulement que le tout est très, très perturbant. Le film poursuit d’emblée plusieurs obsessions de son réalisateur : la géométrie impitoyable des décors blancs, le décalage constant de dialogues féroces qui provoquent des cascades de rires nerveux, la cruauté mentale de situations impensables et insolubles. Sauf que dans The Lobster, nous étions dans un univers d’anticipation, avec une société imaginaire et des règles inventées. L’ancrage est ici réaliste, et d’autant plus terrible. Avec son orgie de plongées et contre-plongées, ses travellings kubrickiens et ses glissandos de cordes suraigüs, The Killing of a Sacred Deer est l’archétype du film d’horreur « auteuriste ». Ceux qui aiment les récits limpides risquent de souffrir, ceux qui ne supportent pas la violence psychologique également. Mais pour les autres, c’est du bon spectacle bien over-the-top.
Rendez-vous dans quelques jours pour un post-mortem du 46e Festival du Nouveau Cinéma, et plus particulièrement de la section Les Nouveaux alchimistes.