FNC jour 4 :
la terreur en robe safran
Le Vénérable W.
de Barbet Schroeder



Quatrième jour dans les salles obscures du FNC pour un film qui tombe à pic dans l’air du temps. Et l’exploit est d’autant plus remarquable lorsque l’on sait à quel point le processus de réalisation est long par définition. Depuis la fin des années 60, Barbet Schroeder a alterné fictions et documentaires pour filmer le grand trip psychédélique (More, 1969), mais aussi Idi Amin Dada (Général Idi Amin Dada : autoportrait, 1974) ou Jacques Vergès (L’Avocat de la terreur, 2007). À maintenant 76 ans, le réalisateur suisse persiste et signe, et tord le cou de l’actualité avec Le Vénérable W..
Véritable drame humanitaire, la persécution de la minorité musulmane rohingya en Birmanie a de vrais airs de nettoyage ethnique. Et elle ne date pas d’hier. Certains l’expliquent par la présence de pétrole dans les territoires principalement habités par les Rohingyas, à la frontière du Bangladesh. D’autres, tout simplement par le racisme et l’intolérance. Depuis les années 2000, cette persécution a un visage : celui du moine Wirathu. En 1997, ce jeune homme issu d’une région pauvre, a « ouvert les yeux » et compris qui était son ennemi : l’Islam. Persuadé du complot musulman pour éradiquer et la religion bouddhiste et la race birmane, il s’est autoproclamé défenseur de la nation : « Grâce à moi, ils n’auront plus rien à manger, plus nulle part pour vivre ». « He’s a natural », dira son mentor. Incarcéré suite à des troubles, il écrira en prison son grand livre sur la protection de la race — tout comme un certain leader nazi. Libéré en 2012, son influence croit, et son délire paranoïaque aussi. C’est aujourd’hui une sorte de rock star qui fait le tour du pays pour prêcher ses sermons remplis de haine devant des foules immenses qui ânonnent sa doctrine, croulant sous les fleurs et les offrandes. Partout où il passe, les émeutes éclatent, des maisons sont incendiées, des gens torturés, assassinés.
Comment un moine bouddhiste, pacifique par essence, peut-il incarner cette fameuse banalité du mal? C’est toute l’ambiguïté de l’histoire, et aussi celle des hommes. En plus d’un portrait singularisé de Wirathu, Barbet Schroeder nous propose une remise en perspective historique des discriminations tragiques envers les Rohingyas. Pour cela, il convoque images d’archives, vidéos clandestins et officiels, documents gouvernementaux et propagande. Il donne aussi la parole à des experts et à Wirathu lui-même. Fidèle à sa manière, le réalisateur n’intervient pas autrement que par quelques touches de voix off. C’est aride et brutal, un peu longuet au début, mais saisissant, et surtout complètement essentiel.
Une seconde séance du Vénérable W. aura lieu dans le cadre du FNC, samedi prochain 14 octobre à 21h au Quartier Latin.