FNC jour 1 :
derniers jours de lumière
Quel beau premier jour au FNC sous le signe des découvertes et des tons vivifiants. J’ai vu deux films, tous deux lumineux malgré leurs prémisses graves. Un premier long-métrage en soirée, et l’œuvre d’un vétéran de 72 ans en après-midi!
Derniers jours à La Havane
de Fernando Pérez



Comme son titre l’indique, Derniers jours à La Havane nous vient de Cuba, ce qui est en soi une rareté. Le récit en est simple : dans un immeuble en ruines de la capitale vivent deux quinquagénaires. Miguel le « contre-révolutionnaire » n’aspire qu’à fuir pour les États-Unis. En attente d’un hypothétique visa, il fait la plonge dans un restaurant et s’occupe de Diego, son ami malade. Tout semble opposer les deux hommes. Si le premier est taciturne et mutique, le second est flamboyant, bavard et cancanier. « Ton aversion pour le communisme t’a fait perdre ta libido! » lance-t-il à Miguel qui, religieusement, lui administre ses médicaments. Diego se meurt du sida. Autour d’eux, une galerie de personnages colorés, dont la formidable jeune nièce de Diego, Yusi. Et puis les rêves inusables et quelques derniers rires… Derniers jours à La Havane se déploie à petites touches et il faudra un bon moment avant que le spectateur saisisse la nature de la maladie de Diego, et celle de sa relation avec Miguel. Les deux amis, deux laissés pour compte, se soutiennent dans cette ville bruyante, bordélique, surchauffée, en décombres. Car ce sont les derniers jours de qui, de Diego ou du régime? À peine voilés sous le récit intime, les commentaires politiques pointent. Peu d’action, essentiellement des dialogues par ailleurs savoureux, incarnés par des comédiens très attachants. Le film cueille l’île en transition, avant qu’un monde entier disparaisse pour faire place à un autre. Un chauffeur de taxi dira ainsi à ses clients : « La vie est dure à La Havane, alors je mets du Beethoven pour l’adoucir, tu comprends? ». Sa voiture, aux portes brisées et aux fenêtres qui ne s’ouvrent plus, devient la métaphore de tout un pays. À l’image d’un film rempli de fantaisie, d’humour noir et d’émotion, un mélange tellement casse-gueule et ici tellement réussi.
Ava
de Léa Myssius



Deuxième arrêt pour Ava, le premier film de la jeune Française Léa Myssius, qui a fait sensation à la dernière Semaine de la critique et qui se récolte depuis d’excellentes échos. Présente lors de la projection, la réalisatrice nous a révélé que ce film fut la « première fois » de beaucoup de ces artisans. Est-ce à cette fraîcheur que nous devons l’extrême liberté qui transpire de presque tous les plans? Liberté d’abord d’avoir choisi pour héroïne une adolescente de 13 ans à la moue butée, désagréable voire inquiétante, « sombre et invisible », condamnée par une rétinite pigmentaire qui lui mange peu à peu la vue. Liberté ensuite de nous transporter dans l’univers fantasque et surréaliste de cette Ava qui vit son dernier été en pleine lumière. Elle décide de voler un chien, de faire des exercices périlleux pour développer ses autres sens, de se donner à un ténébreux voyou. Les yeux bandés, Ava arpente la corniche d’un immeuble ou se jette nue dans la mer. Elle s’imagine en guerrière tribale, le corps peint d’argile. Elle quitte sa mère et part en cavale avec son amant. Le tout pourrait (devrait) être terriblement glauque, et pourtant, le film est étrangement solaire. Décalé et sur le fil du rasoir, Ava trouble et fascine, comme son interprète principale, la très intense Noée Abita. Une vraie révélation.
Vous pouvez encore voir Derniers jours à La Havane lundi prochain le 9 octobre à 13h15 au Quartier Latin.
Une seconde projection d’Ava a lieu aujourd’hui même, vendredi 6 octobre, à 15h, également au Quartier Latin. J’ai cru également entendre que le film devrait prendre l’affiche en salles régulières dans la foulée, information à vérifier.