Ma vie de courgette :
haut les cœurs!
Ma vie de courgette
de Claude Barras



Il s’appelle Icare, mais il ne vole pas trop près du soleil. En fait, il préfère qu’on l’appelle Courgette, comme le fait sa maman. Une maman qui passe le plus clair de son temps devant la télévision à boire des bières. Courgette a neuf ans et une chambre au grenier. Il y empile les bouteilles d’alcool en sculptures créatives. Un jour, des cris, des menaces, une trappe fermée trop vite, un escalier déboulé, et c’est l’accident. Désormais orphelin, Courgette est confié à un foyer par Raymond, le policier au grand cœur. Il y rencontre des adultes affectueux, mais surtout d’autres enfants, d’autres petits laissés-pour-compte : « Nous sommes tous pareils, il n’y a plus personne pour nous aimer… ». La mère de Jujube est folle, celle de Béa a été expulsée en Afrique; les pères d’Ahmed et d’Alice sont en prison; les parents de Simon se droguent. Et puis il y a Camille, la petite aux doux cheveux bruns et aux « yeux qui font un petit peu mal au ventre », qui a vu son père tuer sa mère. Dans la tragédie, c’est le chemin vers le bonheur…
Au-delà de son incroyable succès mondial, d’une nomination aux Oscar au tout récent Festival International du Film pour Enfants de Montréal (FIFEM), il ne faut pas négliger le fait que Ma vie de courgette est, au départ, un projet incroyablement casse-gueule. Impossible de ne pas souligner l’audace de Claude Barras et de la scénariste Céline Sciamma, par ailleurs excellente réalisatrice elle-même et qui s’y connaît en représentations non stéréotypées de la jeunesse (voir Tomboy ou Bandes de filles). Ils ont adapté L’Autobiographie d’une courgette, roman de Gilles Paris, en ne craignant pas les sujets qui fâchent. Dans un film destiné à un public familial, les thèmes, explicitement nommés ou effleurés, font peur : drogue, mort, suicide, négligence sinon maltraitance, l’inceste, c’est un véritable musée des horreurs. Et pourtant!
Pourtant, Ma vie de courgette est le film le plus charmant qui soit, et la forme y est pour beaucoup. Merci qui? Merci la pure magie de l’animation de marionnettes qui rappelle irrésistiblement les figures du génie tchèque Jiří Trnka (1912–1969). On apprécie bien plus souvent du stop motion dans le cadre de courts-métrages, et pour cause : quel travail! Mais la technique est dure à battre lorsqu’il s’agit de créer des univers accomplis et évocateurs. Ici, l’extrême violence des situations est tempérée par les couleurs, les motifs, les voix apaisantes, l’extrême délicatesse de l’ensemble. De la première nuit sans sommeil aux jours heureux, le parcours de Courgette dans sa nouvelle vie ne se fera pas sans heurts, mais peut-être pour la première fois de sa petite existence, il trouvera sur sa route des figures bienveillantes. Même Simon, la forte tête assortie d’une crête rousse de petit punk, a bon fond.
Grande audace, détails adorables et dialogues charmants, Ma vie de courgette fera craquer le cœur de tous. Son équilibre entre rires et larmes est assez hallucinant, et évacue le trop-plein d’émotions pour ne laisser que la finesse et la subtilité. Ajoutez‑y une magnifique séquence de train fantôme et une autre de discothèque improvisée sur le classique cold wave Eisbær de Grauzone, et vous obtiendrez une ode à l’amitié et à l’amour inconditionnel qui n’a rien de gnangnan. Une vraie merveille.
Ma vie de courgette est toujours à l’affiche au Cinéma Beaubien, au Cinéma du Parc, ainsi qu’au Marché central. Faites mentir les statistiques voulant qu’un film n’attire son public que dans sa première semaine d’exploitation en salles, et courez‑y ce week-end accompagnés de vos petits pous de 8 ans et plus (environ)!