Manchester By The Sea :
retour à soi
Manchester By The Sea
de Kenneth Lonergan



Auréolé des louanges de la critique, Manchester By The Sea a pris l’affiche chez nous la semaine dernière. Kenneth Lonergan, dramaturge et réalisateur révélé en 2001 avec le indie hit You Can Count On Me, a passé la moitié de la décennie suivante englué dans des querelles de distribution qui ont miné la destinée de son second long-métrage, Margaret. Il semble maintenant bien mûr pour que le succès cogne à sa porte et vous risquez fortement de retrouver Manchester By The Sea dans de nombreux hit-parades de fin d’année. Récompense méritée : ce film à la fois très simple et complètement déchirant est un exemple probant de ce que le cinéma américain indépendant naturaliste fait de mieux.
À la fois portrait d’un homme, portrait de famille et portrait de lieu, Manchester By The Sea porte bien son titre. C’est dans cette petite bourgade de la Nouvelle-Angleterre que Lee devra revenir en catastrophe à la mort de son frère Joe. On comprendra petit à petit que le jeune homme taciturne, concierge à Boston, a dû quitter sa ville natale suite à un drame innommable. Sans crier gare, il héritera cependant de la garde de son neveu Patrick, seize ans, et des responsabilités qui vont avec : une maison, un bateau, et une kyrielle d’ex-amis, amours et relations autrefois fuies.
Si j’ai mentionné le mot « naturaliste » en début de chronique, il ne faut toutefois pas croire que Manchester By The Sea affiche une forme complètement transparente. Il propose au contraire une complexe construction narrative en flash-backs qui nous révèle très progressivement le passé des personnages, parfois sous forme d’instantanés très rapides, parfois sous forme de séquences-fleuves d’une force peu commune. Ces séquences sont généreusement nappées de musique baroque, un choix surprenant et un peu intense au premier abord, mais qui confère aux drames de la vie ordinaire une aura élégiaque. Elles permettent également aux interprètes de se distinguer. Premiers rôles et seconds, ils sont tous parfaits, mais impossible de ne pas singulariser Casey Affleck qui incarne Lee. Un vrai rôle de composition : avec son phrasé traînant, sa mine patibulaire, sa langueur presque anormale, Lee est un personnage singulier, insaisissable. L’acteur est formidable et bouleversant. Il brille dans une histoire sobre, à la fois ordinaire et extraordinaire, qui aligne un impressionnant lot de drames sans misérabilisme, et qui ose du bout des lèvres un certain happy end sans tomber dans la mièvrerie.
Manchester By The Sea est présentement à l’affiche au Cinéma du Parc (version originale sous-titrée en français, quel bonheur!) et au Forum (version originale).