RIDM : Tempestad,
vies volées
Tempestad
de Tatiana Huezo



Après Cinemania, place à un autre festival d’automne : les RIDM. Le rythme ralentira par la suite alors que s’installera l’hiver, alors autant mettre l’épaule à la roue encore un peu et… voir des films! Le programme des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal est particulièrement alléchant cette année. Faute de temps, je ne pourrais peut-être pas assister à autant de projections que je le souhaiterai, mais j’aurai tout de même quelques sélections à vous partager.
Le tout débute avec Tempestad de la réalisatrice Tatiana Huezo, qui était d’ailleurs à Montréal pour nous présenter son film, un portrait poignant de la violence ordinaire qui gangrène le Mexique. Ce portrait se dessine à deux voix, deux voix de femmes qui ne se connaissent pas et dont les histoires évoluent en parallèle.
Un jour au travail, Miriam Carbajal est arrêtée en compagnie de certains de ses collègues et injustement accusée de trafic humain. Son avocat, appointé d’office, lui explique que le gouvernement doit se montrer « actif » face à la mafia et que, parfois, certains paient pour les crimes des autres. Miriam se retrouve dans une prison gérée par les cartels de la drogue, en cheville avec la police. Pour rester en vie, elle doit débourser une forte somme. Elle subit tortures et humiliations. Le cartel utilise les détenus comme force de travail et raquette les familles à l’extérieur. Lorsqu’un jour Miriam est libérée sans plus d’explications, elle ne parvient pas à reprendre une vie normale.
Alors qu’elle se rendait à l’université, la fille d’Adela Alvarada a disparu. Celle-ci a d’abord remué ciel et terre, puis s’est heurtée à une porte close. « On » — la police — lui a déconseillé de poursuivre ses recherches. Depuis 10 ans, aucune nouvelle de Monica. Adela continue tant bien que mal à pratiquer son métier, si beau, si particulier : celui de clown. Dans sa famille, on est circassien de pères en fils et de mères en filles. Les répétitions, contorsions et acrobaties rythment la vie de ses neveux et nièces, tout comme elles ont rythmé celle de Monica autrefois.
Pour accompagner le récit de Miriam, entièrement raconté en voix off, des plans de la vie quotidienne de plusieurs régions du Mexique. L’industrie de la pêche, les poissons, des villes en ruines aux murs criblés de balles, des postes frontières, des contrôles de sécurité, des gares envahies de militaires, mitraillettes en bandoulières. Sans jamais voir le visage de la jeune femme, nous entendrons son effroi. Et pour accompagner le récit d’Adela, qui elle est bien présente à l’écran, des séquences remplies de douceur et d’enfants qui ne vivent que pour le cirque. Aucune transition abrupte ne découpe le film, qui coule avec beaucoup d’émotion. Dans une certaine perspective animiste, la nature vient parfois figurer un sentiment : le vent charrie la peur ; la pluie, la tristesse. Malgré toute sa remarquable sobriété, ce film a été réalisé avec les tripes. Son titre le prouve bien. Et l’horreur brute qu’il dépeint avec tant de poésie n’en est que plus saisissante.
Tempestad était présenté en Compétition internationale des longs-métrages des RIDM.