Cinemania : Ma Loute,
le grand carnaval
Ma Loute
de Bruno Dumont



Nouveau film à Cinemania, nouveau réalisateur français à la démarche exigeante, mais qui ici s’éclate grave. Il faut dire que Bruno Dumont avait déjà commencé sa mue avec P’tit Quinquin (2014), sa mini-série décalée qui avait remporté un vrai succès public. Et avec Ma Loute, en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, il pousse le bouchon encore plus loin. Personnellement, j’ai découvert Bruno Dumont bien trop tôt dans ma vie de cinéphile avec nul autre que L’Humanité (Grand Prix du jury à Cannes en 1999), un film qui m’avait légitimement traumatisée et qui, je crois, mériterait un deuxième visionnement plus « mature » de ma part. Bref. Comédie haute en couleur qui rejette toutes les conventions du naturalisme, Ma Loute est d’un tout autre acabit.
Bienvenue sur la côte d’Opale à l’été 1910. Comme chaque année, la famille Van Peteghem vient prendre le frais dans sa villa « de style égyptien ». Il y a là André, le père (Fabrice Luchini), son épouse Isabelle (Valeria Bruni Tedeschi), sa sœur Aude (Juliette Binoche), et leurs enfants. Très inspirés par le pittoresque, les aristocrates apprécient par-dessus tout les promenades dans la baie et observer de haut les paysans du cru. Parmi ceux-ci, les Brufort, pêcheurs de moules et cannibales du dimanche (!). Très vite, l’aîné des Brufort, surnommé Ma Loute, et Billie Van Peteghem vont tomber amoureux… Et comme on est chez Dumont, il y aura aussi une enquête policière, menée ici par l’inspecteur Machin – ça ne s’invente pas.
La Belle époque et ses voitures primitives, ses innovations techniques douteuses et ses chapeaux melon ! Avec un sens du Grand-Guignol directement inspiré des scènes théâtrales de l’époque, Dumont fait s’entrechoquer deux mondes aux antipodes. Celui des Brufort, silencieux et en apparence repoussant, et celui des Van Peteghem, clinquant et vain. Au milieu, beaucoup de rires. Ce film est une authentique œuvre de slapstick, où chaque personnage voulant simplement s’asseoir sur une chaise finit immanquablement par terre. Un bel écrin pour d’incroyables acteurs. Dumont convoque ses habituels non-professionnels et débutants du Nord, qu’il couple ici à un trio de vedettes. Affublé d’une démarche sautillante et de cuissardes en cuir qui crissent, Luchini, qui avoue avoir eu du mal à jouer un imbécile, sort pour la première fois de son numéro habituel depuis TRÈS longtemps. Autour de lui, Bruni Tedeschi a ses vapeurs et Binoche étincelle dans ses plumes. Mais le meilleur reste le couple improbable formé de Ma Loute et de Billie, personnage précieux et inventif qui change de cheveux et de costume comme bon lui semble. Fille ou garçon ? Queer, pardi !
Si vous acceptez de laisser votre cerveau cartésien au vestiaire, Ma Loute est un très beau délire, assorti de superbes images.
Le film en projection dans le cadre de Cinemania ce samedi 12 novembre à 18h au cinéma Impérial.