Merci patron ! :
une grimace au
capitalisme
Merci patron!
de François Ruffin



Vu tout récemment au Festival du Nouveau Cinéma, Merci patron! de François Ruffin est désormais à l’affiche à Montréal. L’occasion de revenir un peu plus longuement sur ce le phénomène : près de 500 000 entrées en France et quatre mois à l’affiche dans les salles obscures, records exceptionnels pour un documentaire, qui plus est un documentaire engagé. Mais ici, engagé ne veut pas dire plombant, car malgré les terribles événements qu’il relate, Merci patron! revendique un humour constant.
François Ruffin est journaliste, du genre satiriste parfois, du genre de gauche toujours. Il travaille entre autres à Fakir, « le journal fâché avec tout le monde, ou presque ». Vivant à Amiens dans le nord de la France, il a été lui-même témoin de cette vague déferlante de fermeture d’usines depuis plusieurs dizaines d’années. Le nord de la France, paysage ouvrier depuis les mines de Zola, centre textile traditionnel pour les grandes marques, vidé de ses travailleurs dont la besogne a été délocalisée, laissé sur le carreau. C’est de cette « France d’en bas » dont parlent les politiciens, parfois avec compassion, parfois avec mépris. Ici parfois, on se croirait encore au XIXe siècle. Qui est le responsable? Ruffin pointe Bernard Arnault, patron du groupe de luxe LVMH (Moët & Chandon, Dior, Louis Vuitton, etc etc…) et l’une des plus grandes fortunes de France. Bernard sera sa cible. Mais le plus drôle, c’est que dans sa démarche pleine d’ironie, Ruffin prétend vouloir « renouer le dialogue » entre Arnault et ses anciens larbins (pardon! employés…) jetés sans aucune autre forme de procès lorsque les Polonais, les Bulgares voire même les Pakistanais se sont montrés moins gourmands, non seulement en matière de salaire mais également en conditions de sécurité au travail. Ainsi vêtu de sa flamboyante garde-robe estampillée « I Love Bernard » et au son de la célèbre ritournelle des Charlots, François Ruffin part-il en guerre. Il rencontrera les Klur, une famille particulièrement démunie, et mettra sur pied une supercherie à grande échelle pour leur faire obtenir des indemnités et un modeste poste pour assurer leur avenir.
Formellement, Merci patron! n’est pas d’un grand intérêt, malgré quelques petites trouvailles cocasses. C’est évidemment ici le fond qui compte. Un fond revendicateur, rebelle, et surtout très solidaire. Tout le monde, je dis bien tout le monde, a comparé François Ruffin à Michael Moore. C’est peu étonnant vu l’espace médiatique occupé par le trublion américain. Un documentariste à l’avant-plan qui n’hésite pas à se ridiculiser pour la cause, un humour bon enfant, une approche mi paternaliste, mi émotionnelle face à son sujet : les points communs abondent en effet. De ce côté-ci de l’Atlantique, certaines références sont plus obscures. Mais il est évident que le film frappe là où ça fait mal. Son approche très (trop?) légère tombe à pic dans le contexte économique et social actuel. Et vu l’angoisse exprimée par l’un des sbires de LVMH à la mention du journal Fakir, on se dit que, peut-être, les petits peuvent encore manger les grands… ça, ça fait du bien.
Merci patron! est présentement à l’affiche du Cinéma Beaubien.
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Bienvenue dans Kino Pravda, l’antre du cinéma chic et choc. Kino Pravda se dédie au septième art, ou plus généralement à l’image. Ce blogue est la création de Zoé Protat, fille et petite-fille de cinéastes, cinéphile depuis un âge beaucoup trop tendre, critique de films pour la revue Ciné-Bulles et directrice culturelle à la radio de CISM 89.3 FM.
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