FNC jour 3 :
poursuivre la lutte
Daguerréotype
de Kiyoshi Kurosawa



Troisième journée… et première déception au 45e FNC, le film de Kyoshi Kurosawa Daguerréotype – Le Secret de la chambre noire. Sur papier, la proposition faisait envie : un drame fantastique réalisé en France par un Japonais, avec au casting les normalement excellents Tahar Rahim, Olivier Gourmet et Mathieu Amalric. Mais malheureusement le résultat est loin d’être à la hauteur de la proposition. Ce récit de photographe obsédé par les daguerréotypes à l’ancienne et veuf après un drame, vivant reclus avec sa fille dans un antique manoir, aurait pu faire un excellent roman gothique du XIXe siècle, mais jamais le film ne parvient à installer une véritable angoisse ni à atteindre le climax. Entre grand-guignol sans effets spéciaux et ennui profond, Kurosawa a fait le pari de l’angoisse rétro, ce qui d’emblée me séduit, mais encore faut-il que la qualité suive… Fantômes, maison hantée, voix susurrées, portes qui s’ouvrent, morts pas vraiment morts, tout est outré et, pourtant, il ne se passe pas grand-chose. N’est pas Georges Franju qui veut.
Merci patron!
de François Ruffin



Par un hasard de programmation spirituel, la suite de la journée fut consacrée au cinéma politique. Premier arrêt : Merci patron!. Quatre mois à l’affiche dans les salles françaises et 500 000 entrées pour le documentaire satirique de François Ruffin, un exploit! Le journaliste de Fakir s’est donné pour cible Bernard Arnault, patron du groupe de luxe LVMH, l’une des plus grandes fortunes de France. Armé de son t‑shirt « I Love Bernard », il se rend dans cette « France d’en bas » que l’on ne voit jamais à l’écran, dans ces usines désaffectées du Nord où le temps s’est arrêté depuis le XIXe siècle de Zola. Le but avoué? « Renouer le dialogue » entre Bernard et les centaines d’ouvriers licenciés sans indemnités, sacrifiés sur l’autel de la délocalisation commerciale. C’est drôle, c’est rythmé, c’est rempli de culot et d’esprit, ça a aussi la profondeur d’un Michael Moore, mais visiblement, c’est un film qui fait du bien et qui tombe à pic dans la morosité ambiante de l’Hexagone.
Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau
de Mathieu Denis et Simon Lavoie



Deuxième arrêt : le film total, monumental et sidérant de Mathieu Denis et Simon Lavoie Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau — cette citation de Saint-Just est clairement le plus beau titre de l’année. Cette œuvre de plus de trois heures, sacrée meilleur film canadien au dernier TIFF, a été imaginée dans les lendemains qui déchantent suite au printemps érable de 2012. Quatre jeunes gens y rêvent de révolution absolue. Ils font le choix de demeurer idéalistes et libres. Ils font aussi le choix de vivre dans le dénuement, la solitude, le chaos, la violence souvent, les dilemmes toujours. Une ouverture sur de la musique symphonique, un intermède sur du death rock furieux, des kilomètres de poésie écrite à l’écran (des mots furieux signés Aimé Césaire, Gaston Miron, Hubert Aquin, Jack Kerouac), des images d’archives à foison, des émotions pêle-mêle, le film est d’une ambition folle. Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau est un objet cinématographique unique, exigeant sans être expérimental, profondément sensoriel, interprété par quatre jeunes acteurs courageux et magnifiques. Un vrai film révolutionnaire, radical et brûlant d’enthousiasme, un film important et déjà culte. Les mots me manquent, et le temps sera plus que nécessaire pour absorber un tel choc.
Daguerréotype aura une seconde projection au FNC mercredi le 12 octobre à 13h au Quartier Latin. Merci patron! et Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau n’avaient malheureusement que des séances uniques. Par contre, le film de Mathieu Denis et Simon Lavoie prendra l’affiche en février prochain.